Entreprendre

La culture PME, un modèle face au changement ?

Tribune – Sujet vieux comme le monde, la culture d’entreprise est en passe de devenir la conquête des années à venir, mieux, le défi identitaire par excellence pour conquérir parts de marché et légitimité sociale. Par Didier Pitelet, président de l’agence de communication Onthemoon.

Quelle entreprise n’est pas confrontée à des mutations profondes de modèles économiques et d’organisation ? Quelle entreprise n’est pas confrontée à l’énorme point d’interrogation que représente la génération Z, alias les mutants ? Quelle entreprise n’est pas confrontée à la redéfinition des sphères privées / professionnelles ?
Hier critiquée, la PME est aujourd’hui encensée par les jeunes qui la plébiscitent dans leur recherche d’emploi, l’estimant plus humaine, plus reconnaissante et surtout davantage source d’épanouissement. Vrai ou faux, une chose est sûre : l’effet de taille dimensionne le rapport à l’autre.

 

Savoir se repenser

Pas une start-up – les PME d’après-demain – qui ne mette en avant sa culture, son identité, ses valeurs… Dans le tourbillon du monde, elles clament l’axe de leurs croyances comme carte de visite ! Si l’on accepte que la culture rassemble tous les comportements, les valeurs, les rites, les codes linguistiques qui unissent une communauté humaine rassemblée pour une finalité économique/ sociétale, celle-ci rend le concept même du vivre ensemble intemporel et intergénérationnel.
À force de clamer un peu partout que le monde change, on ne mesure pas qu’il a déjà changé définitivement et que la période dans laquelle nous entrons est une période d’adaptation.
Malheureusement, la plupart des organisations ont eu du mal à anticiper les évolutions nécessaires pour vivre et évoluer dans un monde ouvert, horizontal, décomplexé et bien évidemment totalement connecté ! La peur d’être “ubérisé” devient le cauchemar des dirigeants.  Se repenser pour survivre, en restant soi-même, tel est l’un des sens de la culture. La pression économique du court terme a pris le pas sur la quête de sens et sur les réponses à  apporter aux “nouveaux humains” sur le “bien vivre ensemble” ! Les PME, souvent à capitaux familiaux, s’inscrivent elles dans la durée et ont fait de l’adaptabilité permanente un postulat de leur succès.
Mais force est de constater que le prêt-à-penser corporate sévit comme toujours, privant l’entreprise d’un travail sur soi – Que sommes-nous ? Que représentons-nous ? Où allons-nous ? Salutaire et prospectif. Comme toujours, le marketing croit avoir réponse à tout mais cette fois la machine est enrayée par une quête de vrai inédite : parler vrai, agir vrai, être vrai.
Il n’y a qu’à lire les poncifs sur le management déboussolé face aux jeunes, ces mêmes jeunes caricaturés par des égéries générationnelles qui, avant même d’avoir bâti leur vie, aiment dicter LA vie à leur futur employeur…

Rester soi-même

Certains concepts formidables comme l’entreprise libérée deviennent un poncif de mastodontes pour donner le change du changement alors même que le défi est de s’approprier une philosophie et non un dogme. Les entreprises fragiles dans leur for intérieur s’inventent des postures substituées ; elles ne sont plus elles-mêmes pour être dans l’air du temps ! Mauvais calcul qui finit par les banaliser et les rendre anonymes.
Certes le bigbang est là ! BigData, mise à plat des organisations, fin des process de recrutement traditionnels, voire fin du salariat… Les règles d’un équilibre désuet ont volé en éclats. Ordo ab chaos !  Ce bigbang milite pour un retour prégnant et urgent d’un bon sens pragmatique qui, plutôt que de faire croire à un changement collaboratif drivé par des injonctions topdown, fait de la considération d’autrui le postulat du changement.
En ce sens, l’univers des PME fait référence même s’il faut veiller à ne pas opposer les modèles grands groupes vs PME, chacun ayant du bon et du moins bon bien sûr. Mais la PME reconnaissons-le, qu’elle ait 50, 200, 1 000 salariés ou plus, se vit presque toujours comme un tout culturel.  Le vivre ensemble, qu’il soit formalisé ou pas, repose sur des rites de vie partagés, le rôle de chacun est clair. Mais à quelques rares exemples, la culture guide l’action collective et unit les équipes. La considération des individus en est le pilier : souvent, dans les PME, qu’importent les statuts ou les grades, chaque individu est un maillon à part entière de la chaîne de valeur de l’entreprise.
Le résultat est édifiant la plupart du temps : une philosophie connue et reconnue, une ambition comprise et partagée, une responsabilité assumée et partagée.

 

Penser l’Humain

Ne nous laissons pas abuser pour autant par des constats flatteurs car la réalité est aussi économique : la conscience de l’humain, y compris le coût, chez un patron de PME est par essence plus aiguisée qu’une simple lecture de % de masse salariale sur un chiffre d’affaires. La moindre défaillance a un impact immédiat en matière de performance et/ ou de livrable de services/ production.
Subi ou volontaire, le changement est pour autant toujours un voyage pour le collectif : sa raison se doit d’être explicite pour chacun en cohérence avec l’ADN de l’entreprise et sa culture. L’équipe dirigeante, et en particulier le patron, doivent incarner le sens culturel de tous les changements au risque autrement de perdre ses troupes. Prendre le temps du sens est un gain de temps ultérieur sur l’adaptation au changement. Et ce temps est bien évidemment un temps humain de proximité. Le changement impose de mouiller la chemise et non de se reposer sur un plan de com ! La souplesse portée par le sens de l’action des PME est un atout considérable pour fédérer et mobiliser les équipes.
La culture est le meilleur facilitateur en matière de changement si cette dernière est portée comme un art de vivre collectif.
La culture d’entreprise si souvent malmenée et galvaudée par les écarts entre les paroles et les actes s’impose comme l’élément clé de toutes les situations de changement ! Elle est le ciment identitaire qui dépasse les contingences du changement au profit de l’aventure humaine qu’il incarne ; aventure qui peut être périlleuse – une réorganisation, un plan de départ volontaire… – heureuse – comme un rachat, une diversification… – matérielle comme un déménagement – managériale – changement de managers ou de dirigeant… Elle est le langage formel et informel qui fédère et permet à des humains différents de se ressembler pour mieux se rassembler.
La dimension culturelle du changement est presque toujours sous-estimée dans les stratégies d’accompagnement du changement de par la volonté d’aller vite au but (les équipes suivront !!!) alors même qu’elle est le meilleur catalyseur d’adhésion possible.
La culture, c’est comme le management : “un tiers de tripes, un tiers de cœur et un tiers de cerveau” !
Dans les PME, ce raccourci est visible car ni les process, ni les organisations n’ont pris le pas sur l’efficacité. Le bon sens est encore de mise.
Dans les grandes entreprises, on estime souvent à tort que le sujet ne se pose pas dans les mêmes termes en raison des différences de taille, d’effectifs, d’organisations matricielles… Tous ces arguments sont des paravents pour masquer lâcheté et hypocrisie qui doivent justifier le statut quo, car penser l’humain avec un grand H n’est pas une question arithmétique mais de vocation : penser le macro par le micro n’affaiblit pas, bien au contraire. Ce qu’ont bien compris nombre de PME…

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