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Transformation numérique des ETI : d’où vient la panne ?

Tribune – Deux ans. C’est, selon certains experts, le retard du projet de digitalisation des ETI par rapport à leurs grandes sœurs du CAC40. Que cette estimation soit en-deçà ou en-delà de la réalité, elle confirme un fait : la digitalisation des ETI reste faible. Par Jean-Charles Deconninck, président du directoire de Generix Group.

Eu égard au poids économique des ETI on peut s’interroger. Comment expliquer le retard digital de structures, considérées par l’Insee comme le moteur de l’économie française et de la création d’emploi ? Et surtout comment y remédier ?

 

Des grilles de lecture inadaptées à un nouveau paradigme

Contrairement à ce que sous-entendent certains experts, faire sa mue numérique c’est plus que mettre en œuvre des technologies digitales. Il s’agit pour l’entreprise de définir un nouveau paradigme dans lequel l’usage et l’expérience clients deviennent les nouveaux fondamentaux de la création de valeur. Dans cette nouvelle réalité, le digital n’est qu’une médiation. C’est notamment le chemin suivi par Auchan. Pour répondre à la demande d’instantanéité du consommateur urbain, le distributeur a créé Auchan Direct. Une startup interne qui, en plus de catalyser la transformation digitale du groupe, propose un service de livraison des courses du quotidien à domicile de façon presque instantanée.
Moins soumises que les start-ups à la pression de la croissance, moins réceptives au risque de se faire “ubériser” que les grandes entreprises, les ETI ressentent peu le besoin de mettre en place ce nouveau paradigme. Pour cause, elles ont plutôt bien résisté à la crise. Un fait confirmé par les dirigeants d’ETI eux-mêmes. Dans le dernier baromètre Deloitte 2016, 75 % d’entre eux se déclaraient optimistes pour leur entreprise dans les circonstances économiques actuelles. Fortes de leurs succès récents et de leur position névralgique dans l’échiquier économique, beaucoup se fient à des matrices ou stratégies qui ont fait leur preuve dans le passé… Mais qui risquent de s’avérer sclérosantes pour l’avenir immédiat.

 

Un réel retard

En une décennie, tout a changé : la compétition ne se joue plus dans une industrie donnée. Elle se situe partout. Désormais, pour émerger et gagner des parts de marché dans des environnements volatiles et incertains, il faut savoir exploiter très vite et très intelligemment des opportunités sur le court terme. Cette exploitation doit passer par la transformation digitale. Un postulat indiscutable, y compris pour nos ETI.
Or, les deux tiers d’entre elles continuent à regarder la digitalisation de loin. Comme l’indiquait une récente enquête à l’initiative d’Apax Partners : 35 % des ETI ne se sentent pas préparées aux enjeux du digital alors que 34 % ont conscience de la problématique mais n’ont pas encore commencé.
Pour expliquer ce retard, certains allèguent le manque de maîtrise technologique ou la petite taille de leurs organisations. Des thèses, pardonnez-moi, qui relèvent davantage de l’alibi que de l’analyse sérieuse. Si nous voulons favoriser la digitalisation de nos organisations, nous nous devons de tenir un discours de vérité. C’est fondamental. La transformation digitale n’est pas une question de taille ni de maîtrise technologique. Il s’agit avant tout d’un état d’esprit et d’un corpus de valeurs au sommet duquel trône l’agilité. Comment favoriser ce changement de mentalité au sein de nos ETI ?

 

C’est aux directions générales de passer à la manœuvre

“La première responsabilité d’un leader est de définir la réalité”, cette conviction de Max DePree, figure du management outre-Atlantique, fait écho à la responsabilité des directions générales des ETI : mettre en place une organisation résiliente capable de résister aux chocs provoqués par un monde globalisé où les cycles d’innovation sont de plus en plus courts. Bref, être le patron de la transformation digitale.
Un rôle souvent contraint par la résistance au changement en interne et son appréhension. Le fameux Principe de Peter repose sur un pilier bien connu : “la hiérarchie doit être préservée”. Or, la transformation digitale implique une redéfinition des process et une disparition de la hiérarchie – des éléments structurants pour beaucoup. Une raison suffisante pour abdiquer ? Surtout pas. On ne peut pas abdiquer pour raison d’organisations ou de hiérarchies pesantes. Quel que soit le changement, il y aura toujours une part de réfractaires. A fortiori, quand la modification en question met à mal de vieux principes d’organisation. Évidemment, les comités de direction ont un rôle clé à jouer dans cette conduite du changement en définissant clairement les enjeux de la transformation de l’entreprise. Sans pédagogie ni communication, il n’y aura pas d’acceptation.

Si la route est encore longue et le parcours semé d’embûches, les lignes semblent bouger : 32 % des ETI ont un degré de maturité digitale élevée, 23 % ont un partenariat avec un incubateur et surtout 59 % des PME-ETI comptent investir en 2017 pour accélérer leur transformation numérique. Toutefois, pour négocier le virage du digital avec succès, les ETI respecteront la hiérarchie suivante : la compréhension des usages et la prise de conscience doivent précéder la technologie. L’ultime finalité étant, grâce au travail collaboratif, de tenir la promesse faite au client. Le XXe siècle a été le siècle de la création des process, le XXIe siècle sera celui de leur réécriture.

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