Entreprendre

Êtes–vous plutôt start-uper ou entrepreneur ?

Le nombre d’indépendants ne cesse d’augmenter dans le paysage économique français. Néanmoins, n’est pas start-uper qui veut ! Les explications de Pierre-Olivier Desaule, directeur général d’Hiscox Europe.

 

L’entrepreneuriat est un phénomène économique et sociétal qui marquera le début du XXIe siècle. Bien plus qu’une simple tendance, c’est un nouveau mode de vie que beaucoup de Français plébiscitent. Selon le sondage d’OpinionWay, 37 % des français déclarent vouloir devenir entrepreneurs et 34 % pensent sauter le pas dans les 2 ans à venir. Cela représente 3 millions d’entrepreneurs français potentiels ! Ce phénomène est d’autant plus marquant lorsqu’on sait qu’entre 2006 et 2011, le nombre d’indépendants a augmenté de 26 %. On doit cette évolution en partie à un environnement plus propice à la création et à l’entrepreneuriat, notamment grâce à l’accès simplifié au statut d’auto-entrepreneur* mis en place en 2009. Mais cela correspond sans doute aussi à un désir plus profond d’être l’entrepreneur de sa vie particulièrement développé dans les nouvelles générations. Il s’agit alors de créer son propre job, de choisir la façon de gérer son temps et toutes les facettes de sa vie et de s’affranchir, dans une certaine mesure, d’une relation de dépendance à l’entreprise et des vicissitudes associées. Ainsi, 90 % des français perçoivent l’entreprenariat comme un moyen d’atteindre l’épanouissement professionnel. L’Insee rajoute également que l’indépendance (61 %), le désir d’affronter de nouveaux défis (44 %) ainsi que la création d’une opportunité (22 %) sont aussi les principales motivations de cette évolution de la société. La création d’entreprise apporte par ailleurs son lot de risques et d’inconvénients. 66 % des auto-entrepreneurs pensent notamment au risque de requalification de leur activité en salariat déguisé auprès de leurs entreprises clientes. Dans notre récente étude ADN de l’entrepreneur, nous avons également relevé les difficultés de financement, la lourdeur fiscale, la bureaucratie excessive ainsi que la rigidité des lois. Toutefois, même si certains restent réfractaires à l’entrepreneuriat, beaucoup ont ce désir d’innover. Ainsi, OpinionWay souligne que 37 % des auto-entreprises permettent de développer des produits et des services innovants qui répondent aux nouveaux besoins des Français.

 

L’avènement des start-up

En parlant d’innovation, on assiste également à l’hyper croissance d’un nouveau modèle de création d’entreprise : le phénomène start-up. D’après le dernier baromètre d’EY, les performances économiques et sociales des start-ups françaises sont globalement positives. L’étude fait état d’une hausse moyenne de 33 % du chiffre d’affaires total en France. À l’international, la proportion est de 43 % ! Côté emploi, on observe une hausse de 30 % des effectifs avec 2 232 emplois créés. Un dynamisme sans précédent alimenté par ce nouveau réseau d’entreprises et d’entrepreneurs lui-même “boosté” en partie par l’initiative “French Tech” du gouvernement. Quelles différences entre start-up/start-uper et entrepreneur traditionnel ? Le terme start-up est apparu aux États–Unis avec le boom d’Internet à la fin des années 1990. Contrairement aux idées reçues, un start-uper (dirigeant d’une start-up) ne se résume pas uniquement au look post-ado portant sweat shirt, jean et sneakers et une innovation tout droit sortie de son garage. Ainsi, l’accélérateur Numa et le cabinet de conseil Roland Berger ont tenté de dresser le profil type du start-uper français. Le start-uper français est un homme situé dans la tranche d’âge des 25 – 34 ans. Il est diplômé d’une grande école et à des compétences en business et finance (34 %), en marketing et communication (25 %), en développement technique (24 %) ou en développement produit et design (8 %). Le start-uper français se veut innovateur, ouvert d’esprit, curieux et aime la prise de risque. Il partage des motivations similaires à l’entrepreneur traditionnel le poussant à entreprendre, néanmoins ses ambitions sont quelque peu différentes. Un start-uper décide généralement de s’attaquer à une problématique existante par la proposition de solutions innovantes ; et souvent technologiques. Il souhaite avoir un impact et faire la différence avec sa start-up. Les problématiques traitées ne sont toujours pas évidentes au départ, l’incertitude est grande et le succès n’est pas forcément garanti.
Une start-up est donc fondée sur l’hypothèse de la concrétisation d’une opportunité, de la rencontre avec son marché, de la croissance et de la création de valeur associée. Le plus souvent, elle ne connaît pas réellement son environnement (clients, fournisseurs…) à ses débuts. Elle s’inscrit dans une logique pionnière et exploratoire où il s’agit pour elle de défricher et d’affiner au fil de l’eau son modèle économique (business plan), sans cesse évolutif. Il faut tester les hypothèses et avoir l’humilité de se remettre en question afin de changer l’hypothèse de croissance initialement définie. Autrement dit, le “pivot” expliqué par Éric Ries dans Lean Start-up, bible de tout start-uper.

 

Toutes les entreprises ne peuvent donc pas être des start-up !

Un dirigeant d’une petite entreprise se développe en connaissant son marché. Si l’innovation n’est pas absente de sa démarche, il démarre le plus souvent son entreprise en sachant quels types d’activités (marketing, commercial, production…) il devra mettre en place sur un terrain relativement balisé. La prise de risque est différente puisqu’il s’agit d’être plus productif dans l’échange de ses biens et/ou services pour prendre des parts de marché et non d’apporter des changements profonds à un produit/service qui marche déjà pour transformer ou créer un nouveau marché. En synthèse, l’essence même de la start-up est basée sur la décision explicite de renoncer à la stabilité en échange de la promesse d’une croissance exponentielle et d’une création de valeur rapide. En contraste, les petites sociétés sont motivées par la mise en place d’une entreprise autonome conçue pour la profitabilité et la stabilité à long terme dès leur premier jour de naissance.
Se lancer dans une aventure entrepreneuriale en tant que start-uper, c’est accepter une prise de risque maximale. Il faut être prêt à apprendre et à s’adapter rapidement car mieux vaut échouer vite pour se relever et repartir au plus vite que de passer par une mort lente. Il n’est d’ailleurs pas rare que les start-upers corrigent leur trajectoire et modifient leur “business model” plusieurs fois dans les 18-24 premiers mois de leur existence. Ils prennent des risques et ont tous en tête la sortie et la façon dont ils vont pouvoir trouver la juste récompense des risques qu’ils ont pris et des sacrifices qu’ils ont consentis. Petite entreprise ou start-up, les fondements de chacune sont profondément différents. L’une a pour vocation d’exécuter en continuité un même modèle économique, l’autre découvre le sien petit à petit.

Alors, êtes-vous plutôt start-uper ou entrepreneur ?

* Désormais appelé micro-entrepreneur (plus d’information à ce sujet ici).

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