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Start-up : levée de fonds, la fausse bonne idée ?

Tribune – Dans un contexte où des levées de fonds stratosphériques jalonnent régulièrement l’actualité, une start-up grenobloise vient d’atteindre le Graal du monde de l’entrepreneuriat en récoltant plus de 30 millions d’euros. Une percée presque anecdotique dans le pays européen qui attire le plus d’investisseurs. Par Jonathan Laloum, co-fondateur de FHE.

Malgré une popularité toujours plus croissante, le soufflé start-up peut très vite retomber : plus de 95 % d’entre elles déposent le bilan. Et si la levée de fonds, désormais quasi automatique dans le secteur, était le socle de leur défaillance ?

Levée de fonds : la face business des angels

En 2016, la start-up hispanique Cabify annonce une levée de fonds de 120 millions de dollars avec l’ambitieux pari de supplanter Uber en Amérique latine. Si l’argent récolté permet à la start-up de se lancer, elle met également son avenir en péril : une levée de fonds à neuf chiffres peut être flatteuse, mais elle apporte surtout une forte valeur à l’entreprise et attire des actionnaires dont l’investissement de départ devra être remboursé à leur sortie du capital. C’est là que le piège se referme sur bon nombre de start-up qui ne se relèvent pas de business angels trop gourmands : souvent, le temps du retour sur investissement n’est pas compatible avec le temps que nécessite le développement d’une entreprise.

L’opération est d’autant plus risquée qu’en laissant les investisseurs grignoter ses parts, le fondateur peut perdre le contrôle, l’ADN ou même la vision stratégique de son entreprise face à des acteurs dont l’objectif se mesure moins en chiffre d’affaires qu’en capitaux. Parce qu’elle exige une croissance proportionnelle au montant perçu par les investisseurs, la levée de fonds peut donc préparer la chute de la start-up : si les bénéfices prévisionnés ne sont pas à la hauteur, c’est le waterfall, un effet de cascade qui peut très vite amener à la faillite.

Quelle(s) alternative(s) pour les entrepreneurs français ?

La levée de fonds n’est pas complètement à proscrire, mais elle doit néanmoins être réalisée à un moment opportun : l’entreprise doit être lancée et rentable. La levée de fonds permet alors de créer de la valeur.

Néanmoins, aujourd’hui, nombre de start-up qui ont y recours pourraient en réalité s’en passer. Souvent, adopter une stratégie économique logique est la clé d’un projet commercial pérenne et bankable. Les frais de structure doivent être liés au chiffre d’affaires et aux marges appliquées, et le chiffre d’affaires doit être en partie réinvesti. Le tout forme une société saine, économiquement solide : la start-up investit alors sur un produit dont les ventes provisionnelles ne sont pas uniquement spéculatives et se fonde sur un chiffre d’affaires, sinon acquis, du moins très solide.

L’apport en fonds personnels n’est pas à négliger. Investir son propre capital plutôt que celui de business angels modifie complètement la façon de diriger – consciemment, ou non. La part de risque, bien plus conséquente, pousse les dirigeants à mieux réfléchir leurs décisions stratégiques. Cela permet également de garder le contrôle sur la direction stratégique que prend la société, et d’envoyer de forts signaux de confiance aussi bien à la clientèle qu’aux acteurs bancaires. Et si ce type de modèle économique permettait aux start-up de déjouer les statistiques sur leurs chances de réussite ?

La levée de fonds ne doit pas être un réflexe. Avec leur multiplication surmédiatisée, de nombreuses start-up la considèrent de plus en plus comme un but plutôt qu’un moyen. Pourtant, le temps mobilisé sur ces opérations n’est pas consacré au développement de l’entreprise : cela peut coûter cher aux start-up, alors que les levées de fonds, pas forcément pertinentes pour le développement de l’entreprise, constituent des bulles financières en grande partie responsables du taux d’échec astronomique de ces jeunes entreprises.

 

Qui est l’auteur ?

Jonathan_Laloum_Nouvel_EntrepreneurJonathan Laloum est le directeur commercial de FHE, Full Home Energy, mais également le co-fondateur de l’entreprise créée avec son frère. FHE compte 35 salariés en France, et a ouvert des filiales en Allemagne, Suisse, Belgique et au Maroc.

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