Entreprendre

Pourquoi créer lorsqu’on peut reprendre ?

Dois-je créer ou reprendre ? Cette question effleure inévitablement les porteurs de projet au commencement de leur réflexion. Si la reprise semble moins risquée, elle est toutefois plus onéreuse.

Tous deux ont le goût du challenge et une capacité à emmener les autres dans une direction. Tous deux sont même un peu visionnaires. Toutefois, le créateur et le repreneur d’entreprise restent très différents. Les enjeux, délais et risques ne sont pas toujours les mêmes.

 

Prêt à l’emploi

“Lorsque l’on se tourne vers une reprise d’entreprise, l’avantage premier est de pouvoir partir de quelque chose qui n’est pas égal à zéro, lance Bertrand Carrot, délégué CRA (Cédants et repreneurs d’affaires). Vous avez là une activité qui a fait ses preuves, des salariés en place qui ont des compétences et une clientèle établie lorsque l’entreprise rachetée est en bonne santé.” En effet, en comparaison à une création d’entreprise qui, par définition, implique de partir de rien ou presque, la reprise offre un certain confort puisque “la marque” existe déjà. “Les comptes clients, les fournisseurs et surtout la notoriété sont des éléments que l’on met du temps à acquérir lorsque l’on est entrepreneur. On gagne environ cinq ans en optant pour la reprise, assure Xavier Tedeschi, fondateur du cabinet Latitude RH et expert depuis plus de 20 ans dans l’univers des restructurations. Bien sûr, cela implique un nom qui bénéficie d’une image plutôt positive, sinon il ne faut pas hésiter à en changer.” De fait, la reprise s’adresse davantage à ceux qui souhaitent avant tout se développer sur un marché existant. “Ainsi, vous pouvez tout de suite mettre votre compétence en application, indique Murielle Euzenat, associée et expert comptable au sein d’In Extenso. En revanche, il faut très vite savoir où se situe votre valeur ajoutée par rapport à celui qui vous précède.” Un outil opérationnel, un processus plus rapide, une possibilité d’obtenir plus vite des revenus… la reprise n’aurait-elle que des avantages ?

Rare et chère

Trouver une entreprise à racheter n’est pas une mince affaire si l’on en croit Laurence Piganeau, directrice expertise et production à l’APCE (Agence pour la création d’entreprises). Cela peut être compliqué car il s’agit de trouver une structure qui convienne au projet du repreneur. Mais cela n’est pas l’unique frein à ce mode d’entrepreneuriat. “Cela demande un effort financier plus important au démarrage même si les banques sont parfois plus disposées à prêter à un repreneur car elles s’appuient sur quelque chose de concret. Celui-ci est en mesure de fournir un historique d’activité, des bilans, ajoute-t-elle. Mais ils sont beaucoup à se lancer dans l’aventure comme cela s’adresse aux personnes qui ont avant tout envie de faire du management et de la stratégie d’entreprise.” Beaucoup d’appelés et peu d’élus. Sans compter qu’il existe bien entendu un risque sur n’importe quel rachat d’entreprise, qui sera plus ou moins important en fonction de la cible visée. Ensuite, c’est l’entrepreneur et son entourage qui doivent le mesurer et prendre la décision opportune.

 

Où trouver le graal ?

Comme pour les offres d’emploi, il existe un vrai marché des entreprises à reprendre, relativement bien structuré pour les candidats. “Une fois le secteur d’activité ciblé, on peut consulter une bourse qui regroupe toutes les opportunités autour de BPI France, révèle la directrice expertise et production à l’APCE. Il s’agit de la bourse nationale de la transmission. Beaucoup de réseaux y sont représentés avec une obligation de qualité des annonces qu’ils publient. Attention, cela ne vous dédouane pas des audits nécessaires.” Si les canaux classiques comme les chambres de commerce et d’industrie, les clubs d’entreprises ou les fédérations professionnelles sont toujours une bonne façon de se mettre à la recherche de son entreprise à reprendre, certains auront besoin de s’attaquer au marché caché, là aussi, comme pour décrocher un emploi. Toutes les opportunités ne sont pas visibles, selon la volonté du cédant qui a parfois peur d’effrayer ses salariés en rendant l’information publique. Le bouche-à-oreille et un cabinet d’intermédiaires peuvent vous aider, mais aussi plus surprenant, il n’est pas exclu d’envoyer des candidatures spontanées, selon Laurence Piganeau. Mieux vaut donc multiplier ses sources de recherches et ne se fermer aucune porte.

 

Le cédant doit être une vraie rencontre

Vous imposer comme le nouveau patron peut être délicat voire extrêmement maladroit dans les PME où tout s’est construit autour de la personnalité du chef d’entreprise. Mais il n’y a pas de situation inextricable pour Bertrand Carrot car, “c’est au repreneur d’exercer ses propres talents”. Même si pour cela vous êtes censé être aidé au début. L’accompagnement du cédant est inévitable, il est donc indispensable qu’il y ait une vraie rencontre entre les deux protagonistes. Reprendre une entreprise exige d’établir des liens solides impliquant une grande confiance entre les parties, sans bien sûr faire preuve de naïveté. Pour Bertrand Carrot, cet accompagnement doit être au minimum compris entre un mois et demi et deux mois et cela ne doit pas forcément se faire à temps plein, en général, il s’agit de deux à trois jours par semaine uniquement. “Il y a des cas particuliers où le cédant reste un à deux ans dans l’entreprise. Nous, nous ne le recommandons pas. C’est un schéma compliqué, très souvent générateur de discordes”, explique-t-il. D’une part, le cédant est censé vous aider à mieux connaître l’organisation interne de l’entreprise. Et, surtout, il doit vous présenter aux clients, fournisseurs… Une sorte de parrainage qui ne pourra que faciliter votre intégration.
Car une reprise, ce n’est pas seulement l’histoire d’un cédant et d’un repreneur. Cela implique la plupart du temps l’ensemble des salariés en place.

 

Les 8 règles d’or pour réussir une reprise :

– restez toujours courtois même si de nombreuses divergences existent ;

– écoutez avec beaucoup d’attention les arguments du cédant ;

– déterminez à l’avance les points sur lesquels vous souhaitez être intransigeant et ceux que vous acceptez de négocier ;

– laissez vos conseillers traiter les questions qui vous semblent mineures ou qui risquent de fâcher le cédant, vous apparaîtrez ensuite en qualité d’arbitre ou de chevalier blanc si le problème ne vous paraît pas essentiel ;

– ne faites pas traîner la négociation en longueur, l’autre partie risque de se fatiguer ;

– sachez saisir la chance au bon moment : le cédant pense avoir trouvé l’oiseau rare en tant que repreneur et ne doit pas exiger des conditions de prix trop élevées qui feraient fuir l’acquéreur potentiel de même, si le repreneur pense que l’entreprise est faite pour lui, il ne doit pas rater l’occasion et peut-être accepter quelques modalités non prévues initialement ;

– la négociation est une affaire subtile. Il ne faut jamais choquer “l’adversaire” sans toutefois accepter toutes ses exigences ;

– dans une négociation, chaque partie doit être satisfaite sur l’essentiel et accepter des compromis sur les questions moins importantes.

Source : Reprendre ou céder une entreprise par Claude-Annie Duplat aux éditions Vuibert.

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